La Convention des Nations unies contre la désertification reste en panneLE MONDE | 17.09.07 | 16h51 • Mis à jour le 17.09.07 | 16h51 |
|||
New deal pour le climat Article publié le 21 Septembre 2007 Extrait : L'Europe doit dépasser la logique de Kyoto et proposer aux pays émergents un accord global sur la reconversion des économies industrielles. Cette année marque un tournant important dans les négociations sur le changement climatique. Jusqu'alors chasse gardée des experts, l'enjeu du climat est devenu une affaire de chefs d'Etat. Après le G 8 d'Heiligendamm, où l'énergie et le climat ont été au centre des discussions, se succèdent le 24 septembre, une réunion de chefs d'Etat à l'invitation du secrétaire général des Nations unies puis une réunion d'un G 13 à l'initiative des Etats-Unis. Réponse de Marc Bied-Charreton aux auteurs
NEW DEAL POUR LE CLIMAT : OU SONT LES PAYS PAUVRES ? Par Marc Bied-Charreton Professeur émérite de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Madame Tubiana, Monsieur Stern Je viens de lire avec grand intérêt votre article dans le Monde daté du 21 septembre 2007. J’approuve votre appréciation de Kyoto et ses limites et votre argumentation concernant une économie « sans carbone », la reconversion d’économies industrielles et la reconnaissance que notre modèle énergétique n’est pas une option réaliste pour les pays émergents. Mais dans tous ces discours sur l’adaptation aux changements climatiques et ses conséquences sur les économies des pays développés et émergents, je n’entends jamais la voix des pays pauvres, et je vais essayer de me faire leur avocat. La plupart de ces pays sont situés dans des zones arides, semi arides ou humides qui couvrent environ 40% de la surface de notre planète ; ils rassemblent environ deux milliards d’habitants, la majorité d’entre eux ne disposant pas de deux dollars par jour. Ils tirent leurs revenus des ressources naturelles renouvelables que sont l’eau, les sols, la végétation par le biais d’activités agricoles, d’élevage et de foresterie, et qui malheureusement conduisent souvent à une baisse de la fertilité de leurs sols. Or ces agriculteurs familiaux sont pauvres et ils ne peuvent investir dans le redressement de cette fertilité. Leurs systèmes de culture et d’élevage sont prédateurs de ressources naturelles, de plus la démographie élevée augmente la pression sur ces ressources et les perspectives envisagées par le GIEC indiquent une aggravation des risques de sécheresses prolongées, entrecoupées d’épisodes violents comme cyclones et pluies violentes, synonymes d’érosion et de perte de potentiel de production. La vulnérabilité de ces deux milliards de personnes ne cesse d’augmenter et il leur faudrait pouvoir effectuer des investissements de restauration et de réhabilitation de leurs écosystèmes dégradés et de redressement de la fertilité de leurs sols. Des études récentes montrent que les pertes dues à la dégradation des terres peuvent se monter à quelques pourcent des PIB annuels tandis que l’on a observé des taux de retour économique très positif d’opérations de réhabilitation de terres. Il est donc intéressant, économiquement, socialement et environnementalement, d’investir dans ces zones ; il est même impératif d’agir rapidement avant que les situations de dégradation ne soient devenues irréversibles. Or nous assistons à une lente diminution des investissements dans l’agriculture et la gestion des terres. De 20% de l’APD totale il y a vingt ans ces investissements sont aujourd’hui à 5%, ce qui veut dire qu’à peine 5 milliards de dollars par an sont consacrés à ce type d’investissement, sur environ 100 milliards d’APD globale en 2006. Nous sommes un certain nombre à montrer qu’avec 20 milliards de dollars par an pendant dix ans nous pourrions redresser la situation et permettre à deux milliards de personnes de retrouver espoir, de vaincre la pauvreté en vivant chez eux de revenus décents, au lieu d’envisager d’émigrer ailleurs. Il faudrait aussi pour cela que l’accès aux marchés mondiaux ne se fasse pas à leur détriment et que les cours des produits agricoles soient quelque peu stabilisés. Ce serait aussi la seule solution de ces populations à l’adaptation aux changements climatiques ; ce ne sont pas elles qui émettent des gaz à effet de serre et leurs besoins énergétiques pour produire plus sont faibles ; de plus, la restauration des écosystèmes dégradés permet l’augmentation des capacités de stockage du carbone et la préservation de la biodiversité. Malheureusement, ce discours n’est que très faiblement entendu, que ce soit par les gouvernements des pays menacés ou par les grandes agences d’aide. Seuls des acteurs de la société civile, des chercheurs et quelques décideurs cherchent à se faire entendre. Nous sommes éclipsés par les discours sur le changement climatique et ses conséquences prévisibles dans les pays développés et nous n’entendons pas la voix faible de ce tiers de l’humanité. Le relatif échec de la 8ème Conférence des Parties de la Convention sur la lutte contre la désertification qui vient de se tenir à Madrid retarde encore l’expression publique de ce grave danger qui nous menace de plus en plus, l’extension de la dégradation des terres, y compris chez nous. Aussi je vous demande de bien vouloir prendre en considération dans les prochaines tribunes internationales qui se préparent (Nations Unies, Conférence des Parties de Bali, Commission du développement durable 17 et 18,…) ce danger majeur et de ne pas penser uniquement en terme de modification de nos systèmes énergétiques et de nos modes de consommation occidentaux les questions d’adaptation au changement climatique. Le redressement des activités agricoles et d’élevage dans une centaine de pays est la seule solution pour leur population de pouvoir continuer à y vive décemment. Marc Bied-Charreton 4 Square du Noyonnais, 78310 MAUREPAS
|