La Convention des Nations unies contre la désertification reste en panne

LE MONDE | 17.09.07 | 16h51  •  Mis à jour le 17.09.07 | 16h51

 








La conférence de Madrid, qui s'est achevée samedi 15 septembre, devait marquer la relance de la   Convention des Nations unies contre la désertification (UNCCD). Elle se termine pourtant sur un échec, les 191 pays membres n'ayant pas réussi à s'accorder sur une augmentation de son budget, en raison de l'opposition des Etats-Unis et du Japon. Le plan stratégique adopté par les pays signataires, qui définit de grands objectifs à dix ans, est dépourvu de financement et sans valeur contraignante. "Il y a une contradiction évidente entre la volonté affichée de redynamisation et l'absence d'accord sur les moyens", regrette Marc Bied-Charreton, président du comité scientifique français sur la désertification. "Un milliard de personnes et 40 % des terres sont menacées, et le seront encore plus à l'avenir à cause du réchauffement climatique. C'est une grande menace pour la sécurité du monde, mais on dirait que personne ne s'en rend compte."

"Certains considèrent que la désertification est un phénomène lointain, qui ne concerne que quelques régions du monde, renchérit Rajeb Boulharouf, porte-parole de la convention. Ils font fausse route, car la perte de terres arables génère des flux migratoires considérables." L'appauvrissement des sols résulte à la fois de mauvaises pratiques agricoles (cultures et élevages trop intensifs, surexploitation des ressources en eau) et des changements climatiques.

L'UNCCD a, jusqu'à présent, été le parent pauvre des conventions nées au Sommet de la Terre de Rio en 1992, bien que les solutions techniques de lutte soient connues (végétalisation des sols sensibles à l'érosion, stockage des eaux de pluie, utilisation de petites doses d'engrais et de semences sélectionnées). Elle souffre notamment d'un déficit scientifique. "Nous ne disposons pas de paramètres viables, pour mesurer la progression ou le recul de la désertification, comparables aux émissions de gaz à effet de serre ou aux listes taxinomiques", relève M. Boulharouf.

Mais d'autres causes surtout expliquent son échec. "D'une part, les paysans confrontés au problème sont des gens pauvres, démunis techniquement. D'autre part, les gouvernements locaux n'ont pas pris la mesure de l'importance du problème", affirme M. Bied-Charreton. Et la part de l'aide publique au développement affectée aux ressources naturelles et à l'agriculture est en baisse constante.

Gaëlle Dupont

New deal pour le climat

Article publié le 21 Septembre 2007
Par Nicholas Stern, Laurence Tubiana
Source : LE MONDE
Taille de l'article : 1024 mots

Extrait : L'Europe doit dépasser la logique de Kyoto et proposer aux pays émergents un accord global sur la reconversion des économies industrielles. Cette année marque un tournant important dans les négociations sur le changement climatique. Jusqu'alors chasse gardée des experts, l'enjeu du climat est devenu une affaire de chefs d'Etat. Après le G 8 d'Heiligendamm, où l'énergie et le climat ont été au centre des discussions, se succèdent le 24 septembre, une réunion de chefs d'Etat à l'invitation du secrétaire général des Nations unies puis une réunion d'un G 13 à l'initiative des Etats-Unis.

Réponse de Marc Bied-Charreton aux auteurs

NEW DEAL POUR LE CLIMAT : OU SONT LES PAYS PAUVRES ?

Par Marc Bied-Charreton

Professeur émérite de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Chercheur au Centre d’économie et d’éthique pour l’environnement et le développement
Président du Comité scientifique français de la désertification

Madame Tubiana, Monsieur Stern

Je viens de lire avec grand intérêt votre article dans le Monde daté du 21 septembre 2007. J’approuve  votre appréciation de Kyoto et ses limites et votre argumentation concernant une économie « sans carbone », la reconversion d’économies industrielles et la reconnaissance que notre modèle énergétique n’est pas une option réaliste pour les pays émergents.

Mais dans tous ces discours sur l’adaptation aux changements climatiques et ses conséquences sur les économies des pays développés et émergents, je n’entends jamais la voix des pays pauvres, et je vais essayer de me faire leur avocat.

La plupart de ces pays sont situés dans des zones arides, semi arides ou humides qui couvrent environ 40% de la surface de notre planète ; ils rassemblent environ deux milliards d’habitants, la majorité d’entre eux ne disposant pas de deux dollars par jour. Ils tirent leurs revenus des ressources naturelles renouvelables que sont l’eau, les sols, la végétation par le biais d’activités agricoles, d’élevage et de foresterie, et qui malheureusement conduisent souvent à une baisse de la  fertilité de leurs sols.

Or ces agriculteurs familiaux sont pauvres et ils ne peuvent investir dans le redressement de cette fertilité. Leurs systèmes de culture et d’élevage sont prédateurs de ressources naturelles, de plus la démographie élevée augmente la pression sur ces ressources et les perspectives envisagées par le GIEC indiquent une aggravation des risques de sécheresses prolongées, entrecoupées d’épisodes violents comme cyclones et pluies violentes, synonymes d’érosion et de perte de potentiel de production. La vulnérabilité de ces deux milliards de personnes ne cesse d’augmenter et il leur faudrait pouvoir effectuer des investissements de restauration et de réhabilitation de leurs écosystèmes dégradés et de redressement de la fertilité de leurs sols. Des études récentes montrent que les pertes dues à la dégradation des terres peuvent se monter à quelques pourcent des PIB annuels tandis que l’on a observé  des taux de retour économique très positif d’opérations de réhabilitation de terres. Il est donc intéressant, économiquement, socialement et environnementalement, d’investir dans ces zones ; il est même impératif d’agir rapidement avant que les situations de dégradation ne soient devenues irréversibles.

Or nous assistons à une lente diminution des investissements dans l’agriculture et la gestion des terres. De 20% de l’APD totale il y a vingt ans ces investissements sont aujourd’hui à 5%, ce qui veut dire qu’à peine 5 milliards de dollars par an sont consacrés à ce type d’investissement, sur environ 100 milliards d’APD globale en 2006. Nous sommes un certain nombre à montrer qu’avec 20 milliards de dollars par an pendant dix ans nous pourrions redresser la situation et permettre à deux milliards de personnes de retrouver espoir, de vaincre la pauvreté en vivant chez eux de revenus décents, au lieu d’envisager d’émigrer ailleurs.

 Il faudrait aussi pour cela que l’accès aux marchés mondiaux ne se fasse pas à leur détriment et que les cours des produits agricoles soient quelque peu stabilisés. Ce serait aussi la seule solution de ces populations à l’adaptation  aux changements climatiques ; ce ne sont pas elles qui émettent des gaz à effet de serre et leurs besoins énergétiques pour produire plus sont faibles ; de plus, la restauration des écosystèmes dégradés permet l’augmentation des capacités de stockage du carbone et la préservation de la biodiversité.

Malheureusement, ce discours n’est que très faiblement entendu, que ce soit par les gouvernements des pays menacés ou par les grandes agences d’aide. Seuls des acteurs de la société civile, des chercheurs et quelques décideurs cherchent à se faire entendre. Nous sommes éclipsés par les discours sur le changement climatique et ses conséquences prévisibles dans les pays développés et nous n’entendons pas la voix faible de ce tiers de l’humanité. Le relatif échec de la 8ème  Conférence des Parties de la Convention sur la lutte contre la désertification qui vient de se tenir à Madrid retarde encore l’expression publique de ce grave danger qui nous menace de plus en plus, l’extension de la dégradation des terres, y compris chez nous.

Aussi je vous demande de bien vouloir prendre en considération dans les prochaines tribunes internationales qui se préparent (Nations Unies, Conférence des Parties de Bali, Commission du développement durable 17 et 18,…) ce danger majeur et de ne pas penser uniquement en terme de modification de nos systèmes énergétiques et de nos modes de consommation occidentaux les questions d’adaptation au changement climatique. Le redressement des activités agricoles et d’élevage dans une centaine de pays est la seule solution pour leur population de pouvoir continuer à y vive décemment.

Marc Bied-Charreton
Professeur émérite de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Chercheur au Centre d’économie et d’éthique pour l’environnement et le développement
Président du Comité scientifique français de la désertification
http://www.csf-desertification.org
bied-charreton.marc@wanadoo.fr

4 Square du Noyonnais, 78310 MAUREPAS                       
Le 21 septembre 2007

 

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