Comité des Anciens de l'IRD, Groupe de Travail IRD / ONG
1. Fiche : Relations IRD - ONG (18 nov. 2004)
• Exposé des motifs
Les ONG, du Nord ou du Sud , de développement ou humanitaires, qu'elles aient des activités de plaidoirie
auprès des opinions publiques des pays du Nord ou d'intervention dans
les pays du Sud sont des acteurs importants du développement. A ce
titre elles sont à considérer comme des interlocuteurs des politiques
de communication et de valorisation de l'IRD et, plus généralement,
comme des acteurs du dialogue entre recherche pour le développement et
sociétés. En outre, si les ONG sont amenées à utiliser les résultats de
la recherche, elles peuvent aussi être partenaires de cette recherche
en faisant connaître leur perception des besoins de recherche, en
mobilisant leurs expériences de terrain et leurs dispositifs d'études,
d'expertise, de recherche et de publication, voire en finançant ou
faisant financer des recherches qui les intéressent. Il faut noter à ce
propos que, dans les pays du Sud, on constate une certaine tendance à
privatiser les recherches, en particulier en sciences sociales, en les
confiant à des ONG.
Or,
en France tout particulièrement, dialogues et collaborations entre
recherche et ONG sont difficiles pour des raisons bien analysées depuis
longtemps (1) mais pas vraiment surmontées. Les relations qui existent
forment un ensemble lâche, épisodique et mal connu, dans un contexte
international en forte évolution. De plus, il arrive que, dans certains
pays, le gouvernement ne voie pas d'un bon oeil les collaborations
entre IRD et ONG.
Il
peut donc paraître utile et opportun de procéder à un diagnostic
sur les relations IRD - ONG (réflexions et relations antérieures et
actuelles, objectifs et perceptions réciproques, inventaire des acquis
et contraintes) susceptible d'aider à la définition d'une politique de
partenariat.
D'une façon plus générale cette étude pourrait aider à améliorer le
dialogue entre ONG et le monde scientifique .
• Contenu de l'étude
Cette
étude visant à proposer une problématique d'ensemble et rappelant les
travaux antérieurs à ce sujet reposerait sur deux séries
d'investigations :
•
Un premier inventaire des relations de l'IRD avec des
ONG qu'elles soient françaises, étrangères ou internationales :
relations institutionnelles ou contractualisées, engagements d'agents
de l'IRD dans des actions d'ONG (en ne retenant au départ que les
engagements et ONG d'une certains importance), ONG destinataires des
supports de communication de l'IRD
• Une consultation des ONG ou réseaux d'ONG sur leurs expériences de collaboration avec l'IRD, sur leur usage des produits de
l'IRD, sur leurs attentes et leurs éventuelles propositions, ou sur les
raisons de leur absence de collaboration (en se limitant dans un
premier temps aux ONG ayant leur siège ou une représentation en France,
avec éventuellement quelques investigations auprès d'ONG partenaire du
Sud et auprès de réseaux européens d'ONG)
• Méthodes
• Pour l'analyse et l'inventaire côté IRD, on pourrait combiner, par affinements successifs :
•
Consultation des membres du Comité de Direction, repérage des
conventions concernées, dépouillement de Sciences au Sud et des Fiches
d'Actualité scientifique et de leur liste de diffusion.
• Examen des rapports des UR les plus concernées
• Interviews des chercheurs les plus engagés et de ceux dont le thème de recherche concerne les ONG ; et, au besoin, analyse de leurs mémoires et rapports.
• Questionnaire auprès des représentants (y compris à propos des relations de l'IRD avec les ONG implantées localement)
•
Pour la consultation des ONG : rencontres avec des responsables de
Coordinations et d'ONG importantes, avec le concours de la Commission
Coopération et Développement (instance de la concertation MAE /ONG).
• Ces investigations feront au préalable l'objet d'une liste commune de thèmes à aborder.
Nature des moyens requis
•
Un groupe de 3 à 5 Anciens ayant l'expérience des relations avec les
ONG. Ce groupe devrait pouvoir mobiliser ponctuellement des personnes
de l'IRD ayant une bonne expérience du sujet.
•
Une petite vingtaine de missions très courtes (1 à 3 jours), en France
et à Bruxelles, pour les réunions des membres du Groupe et pour
réaliser certaines interviews.
• Accès aux conventions et rapports d'activités et autorisation de consulter les représentants.
Agenda indicatif
• Un premier rapport provisoire d'une vingtaine de pages au bout de 6 mois, soumis à la direction Générale.
• Compte tenu des remarques et demandes de compléments de cette dernière, rapport définitif 3 mois plus tard.
N.B. :
Il est clair qu'il ne s'agit pas de procéder à un recensement complet
des relations IRD - ONG mais d'identifier et de caractériser les plus
importantes et les plus significatives tout comme les lacunes les plus
flagrantes.
(1) Cf. Rapport VIELAJUS sur la valorisation sociale
à l'IRD en 1995, contributions au Colloque du cinquantenaire de l'IRD,
groupe de travail du CFSI préparatoire aux Assises nationales de la
Coopération et de la Solidarité Internationale de 1996
2. Rapport Octobre 2005
Pour une politique de l'IRD vis-à-vis des ONG
Avertissement
•
Lors de la constitution du Comité des Anciens (CDA), les
consultations de la Direction Générale et les discussions avec le
Bureau du CDA ont conduit à retenir le thème des relations entre l'IRD
et les ONG.
• Après approbation en janvier 2005 par la Direction Générale des termes de référence
de l'étude proposée, un Groupe de travail s'est constitué (1).
Il a analysé les travaux antérieurs sur le thème des relations entre
ONG et recherche pour le développement, consulté les chefs de
départements et diverses personnes de la Direction Générale (en
particulier à la DIC), procédé à des interviews de responsables d'ONG
sur la base d'une grille de questions de référence (une dizaine de
responsables ; 8 interviews ont donné lieu à des compte - rendus
écrits). (la liste des personnes rencontrées est en annexe 1).
•
Peu après la constitution de ce groupe de travail, le HCCI qui, à la
fin de 2004, avait émis un Avis sur le recherche pour le développement,
décidait de compléter cet Avis en portant son attention sur les
relations entre ONG et recherche pour le développement ! Il a
réuni à cet effet un groupe de travail dont a fait partie G. WINTER et,
au cours de ´réunions a auditionné conjointement des personnes d'ONG et
des milieux de la recherche pouvant rendre compte d'une expérience de
collaboration. Les deux groupes de travail se sont entendus pour se
répartir les investigations et se féconder mutuellement. Un projet
d'Avis du HCCI a été finalisé en octobre 2005. Le présent Rapport du
CDA et le projet d'Avis du HCCI présentent donc sur certains points des
analyses communes tout en développant, en fonction de leurs propres
objectifs, des rubriques distinctes.
•
Ce rapport se veut synthétique. Il ne rend pas compte du détail des
constats et des propositions induites par les travaux. En outre, eu
égard aux termes de référence proposés et compte tenu du peu de moyens
de travail disponibles, il n'a pas procédé à toutes les investigations
utiles (consultation de l'ensemble des membres du CDA et des
représentants de l'IRD, analyse des relations actuelles plus ou moins
formelles entre IRD et ONG sur le terrain, inscription des constats
dans un cadre européen et international, etc.).
En
fonction des réactions suscitées par ce premier Rapport et si les
moyens alloués le permettent, le groupe de travail pourrait compléter
ses investigations et rendre compte de ses conclusions de manière plus
détaillée, soit en étoffant ce rapport, soit en présentant ses
résultats au cours de réunions ad hoc avec les instances de l'IRD
intéressées, notamment les Représentants.
•
Il faut enfin souligner avec force que ce groupe de travail a suscité
auprès de ses interlocuteurs, et en particulier auprès des ONG, du HCCI
et des ministères de tutelle, un très grand intérêt.
Introduction
•
L'IRD n'a pas de politique vis-à-vis des ONG, ni même de relations
organisées. Les réflexions antérieures sur les relations entre
ONG et recherche pour le développement (2) n'ont pas abouti faute
d'enjeu stratégique clairement identifié de part et d'autre.
•
Mais la galaxie des ONG, extrêmement diversifiée, évolue rapidement.
L'IRD, de son côté, a beaucoup changé depuis une dizaine d'années. Et
les enjeux nationaux et internationaux du développement durable et de
la coopération se sont considérablement renouvelés.
•
S'il apparaît bien que la collaboration entre IRD et ONG peut désormais
être considérée comme un enjeu stratégique de l'avenir de l'IRD, quelle
politique l'IRD pourrait-il amorcer : quels enjeux et objectifs,
quelles contraintes, quelles méthodes, quels moyens, quelle
organisation compte tenu de ce que le monde des ONG reste encore très
diversifié, foisonnant, fortement attaché à son indépendance ?
I - Une situation nouvelle
• Pour les ONG
• Les ONG en France
Vingt
ONG mobilisent les trois quarts des financements de l'ensemble des ONG
françaises travaillant dans ou pour les PED (La liste de ces ONG est
fournie en annexe 2 ) . Elles se sont professionnalisées, se sont
dotées de personnel de bon niveau académique et technique, s'organisent
en coordinations (réseaux, plates - formes, coalitions). Mais, sauf
quelques exceptions notables, elles restent fragiles, de dimensions
modestes au niveau international et insuffisamment qualifiées. Elles
émargent très peu aux crédits de l'APD française mais cette situation
pourrait changer (3).
Les
plus importantes d'entre elles diversifient leurs actions d'une part
vers les plaidoyers et la participation aux débats présidant aux
conférences internationales, d'autre part vers le soutien aux ONG du
Sud (et plus généralement aux acteurs de la société civile )
et vers la promotion de projets innovants, au détriment des projets
techniques, ponctuels et militants habituels. Si les distinctions en
termes d'urgence, humanitaire, plaidoyers, actions de développement,
études, expertises sont de moins en moins significatives, la diversité
des ONG françaises reste très forte, en particulier du point de vue de
la taille et de l'origine des fonds (privée / publique). Et beaucoup
continuent - vu les exigences, voire la méfiance, des grands bailleurs
de fonds à l'égard des ONG du Sud - d'intervenir directement comme
maître d'oeuvre sur appels d'offre internationaux pour des gros projets
qui laissent peu de place à l'innovation et à un partenariat rénové
avec les ONG du Sud. Enfin elles élaborent des plaidoyers sur des
thèmes à contenu politique et militant dont, souvent, l'argumentaire
scientifique n'est pas nécessaire ou n'a pas besoin d'être approfondi.
Quand il l'est, elles ont recours aux ressources de l'Internet et à
quelques chercheurs militants.
Mises à part certaines associations (les bureaux d'étude
rassemblés dans le groupe Initiative, les grandes ONG médicales, ACF),
les ONG connaissent mal l'IRD et en attendent peu ou rien. Les
collaborations sont ponctuelles et personnalisées. Certaines,
cependant, prennent conscience de la complexité des actions et de la
nécessité d'innover et d'évaluer. Mais, le nez sur le guidon
et fragiles financièrement, surtout si elles ne disposent pas de fonds
propres, elles ne savent pas comment collaborer avec la recherche.
Elles vivraient sans doute encore assez mal la mise en évidence des
dérives, paradoxes et effets pervers inéluctables de leurs actions.
Enfin elles restent divisées entre les partisans du militantisme
hostiles à une collaboration contractuelle avec la recherche publique
et les partisans d'une plus grande professionnalisation. Toutes
cependant ressentent fortement le besoin de formations complémentaires
spécialisées de leurs cadres
N.B.
Cette analyse devrait être étendue aux ONG européennes dont les
caractéristiques sont souvent très différentes des ONG françaises.
• Les ONG dans les PED
On assiste à une prolifération anarchique d'ONG de tout poil
(statut, nationalité, taille, associés, sources de revenus, activités,
fiabilité, idéologie et intérêts). Elles cherchent à occuper les
domaines délaissés par des Etats de plus en plus défaillants ou libéraux , bénéficient de financements croissants des bailleurs de fonds, s'affichent comme expression des sociétés civiles ,
s'organisent en réseaux pour peser dans les discussions et négociations
nationales et internationales. En gros, le meilleur côtoie le pire, le
mastodonte côtoie le minuscule, le professionnel côtoie l'apprenti
sorcier. Ce qui alimente la méfiance ou l'incompréhension des
chercheurs de l'IRD à leur égard. La montée en puissance des ONG
strictement locales est cependant un des faits marquants de ces
dernières années, même si les bailleurs de fonds internationaux
hésitent toujours à leur confier directement de gros projets.
• L'IRD.
Si on compare à l'ORSTOM d'il y a 10 ans :
•
La réforme de 1997 a renforcé qualité et crédibilité scientifiques mais
au prix d'un éclatement du dispositif peu propice aux thématiques
transversales, donc à la présence dans les débats et plaidoyers
internationaux .
•
Une véritable et efficace politique de communication se focalise sur
les milieux scientifiques et les médias. Les ONG sont ignorées (4)-
tout comme d'ailleurs les autres composantes de la société civile
(collectivités locales, syndicats, partis, etc.) (5) - tant par les
thématiques traitées que dans le mode de diffusion de l'information.
•
La présence de l'IRD sur les sites internationaux de recherche
est lacunaire : liens et référencements sont insuffisants. Ce qui
ne facilite pas l'accès des ONG nationales et internationales aux
travaux de l'IRD.
•
La valorisation des résultats de l'IRD par le biais d'ONG reste
insignifiante mises à part quelques rares réussites déjà anciennes
(Nutridev, irrigation en Equateur). En ce domaine la formule des
expertises collégiales n'a pas répondu aux attentes ni exprimé tout son
potentiel.
•
Le rôle d'Agence de coopération scientifique de l'IRD se dessine peu à
peu au fur et à mesure que le MAE renforce sa priorité en faveur du
soutien des dispositifs scientifiques des pays partenaires. Mais les
choix gouvernementaux à ce sujet ne se précisent pas et les tutelles
ministérielles se côtoient plus qu'elles ne s'harmonisent. Il n'y a pas
de relations organisées avec le nouvel acteur pivot qu'est devenue l'AFD.
• Les nouveaux enjeux internationaux du développement durable et de la coopération.
Si
connaissances, méthodes, innovations restent déterminantes pour les
actions sur le terrain (les fameux projets), les paradigmes du
développement et de la coopération se sont déplacés vers les politiques
(éducation, santé, agriculture ...), les relations internationales
et leur mode de régulation (plus ou moins de marché) et certains
« impératifs » globaux (lutte contre pauvreté et inégalités,
gestion des ressources naturelles et biodiversité, gouvernance et rôle
des acteurs sociaux par rapport à l'Etat, rôle de la science et du
progrès technique...). Ces enjeux font l'objet d'études et recherches à
l'échelle mondiale, de débats internationaux et multi acteurs, de
négociations et conventions internationales.
Parallèlement les « sociétés civiles »dans les PED se
structurent sous de nouvelles formes (associations diverses,
groupements professionnels, collectivités locales, etc.) qui commencent
à revendiquer et assumer - plus ou moins fortement selon les régions -
leurs responsabilités dans les enjeux du développement qui les
concernent. Ces acteurs sociaux en viennent à expliciter des besoins de
formation, de vulgarisation scientifique et même de recherche.
En
fin de compte les attentes vis-à-vis de la recherche scientifique se
sont modifiées et élargies et les acteurs et les utilisateurs de cette
recherche (au sens large) se sont très largement diversifiés.
II - Les enjeux pour l'IRD
•
La recherche publique est désormais l'affaire du public, des
citoyens. La recherche pour le développement est de plus en plus
interpellée sur son utilité politique et sociale, sur ce qu'elle
apporte dans les discussions et les interventions sur les grands enjeux
globaux, internationaux et politiques qui viennent d'être évoqués
A ne pas être très clairement présent dans les arènes
nationales et internationales du développement et de la coopération ,
l'IRD risque de voir dangereusement se réduire l'impact de ses atouts
originaux en matière de recherche pour le développement (investigations
in situ, de longue haleine et multidisciplinaires dans les
thèmes et champs du développement, coopération permanente et rapprochée
avec les dispositifs scientifiques des PED). De cette présence
dépendront de plus en plus sa notoriété, sa crédibilité, ses
financements. Cette reconnaissance internationale là où se joue
l'avenir des relations Nord - Sud est devenue un enjeu stratégique.
Cela passe, en partie mais nécessairement, par une politique
organisée de relations avec les ONG.
•
La recherche pour le développement a aussi pour objectif la
valorisation de ses résultats auprès des décideurs, des opérateurs et
des acteurs de terrain afin qu'ils innovent dans leurs interventions.
Elle doit conduire à des innovations radicales des connaissances, des
méthodes, des procédés, des produits. Et ceci pas seulement dans le
domaine technique mais aussi dans le domaine social qui lui est
inéluctablement lié. Il s'agit de traduire les résultats de la
recherche en langage accessible aux politiques et aux opérateurs et
selon les questions qu'ils se posent. C'est un processus long et
difficile qui dépasse largement l'expertise individuelle et collégiale
et les brevets. La recherche pour le développement doit aller jusqu'à
la recherche - développement en coopération avec les acteurs du
développement, recherche - développement sans laquelle les réussites
sont rares, précaires, liées à des opportunités personnelles et
conjoncturelles.
Cette
recherche - développement se justifie lorsque des travaux de recherche
finalisée ont obtenu des résultats susceptibles d'être appliqués
directement. Il s'agit alors de favoriser l'expérimentation et la
validation de ces résultats sur le terrain du développement puis leur
vulgarisation / diffusion. Elle peut se faire sur des bases
contractuelles claires avec certaines ONG ou avec des opérateurs
intermédiaires spécialisés qui disposent de terrains d'action durables,
d'une certaine autonomie financière et de bons professionnels. En
retour l'IRD bénéficiera de terrains comparatifs, de financements
complémentaires, d'une plus grande souplesse de gestion. Il en retirera
non seulement audience et impact, mais aussi, sans doute, de nouvelles
problématiques de recherche, une focalisation sur de nouveaux champs de
compétence, une pertinence accrue des programmes, une incitation à
produire des synthèses scientifiques pluridisciplinaires croisant
innovations techniques et innovations sociales.(6)
• Cette politique concerne l'ensemble de l'Institut et peut se décliner en termes de :
• Contribution des Départements Scientifiques aux débats et plaidoyers internationaux.
•
Valorisation des résultats de certaines UR par des expertises
collégiales renouvelées et par des actions de recherche - développement
incluant des opérateurs.
• Communication, dialogue et échanges avec les ONG.
• Mobilisation accrue des ressources humaines de l'IRD dans le champ du développement.
• Multiplication des relations extérieures et accroissement du rôle des Représentants.
Une
telle politique peut d'autant plus facilement être mise en oeuvre
qu'incontestablement les priorités scientifiques de l'IRD et ses acquis
sont en bonne adéquation avec certains des enjeux majeurs actuels du
développement durable et de la coopération et que nombre de ses
personnels ont acquis une expérience du développement incomparable.
III - Les contraintes qui pèsent sur la mise en oeuvre d'une telle politique. Esquisses de réponses
•
La méfiance des chercheurs de l'IRD vis-à-vis des ONG, ensemble trop
hétérogène à tous égards et, en particulier, en ce qui concerne leur
attitude vis-à-vis de la recherche : méfiance légitime qui pourra
être surmontée par un choix sévère d'ONG partenaires considérées comme
fiables et avec qui des relations d'intérêt réciproque seront
clairement identifiées. Le choix des ONG françaises ne pose pas de
difficulté : il est à faire parmi les 30 ou 40 plus importantes
(36 seulement ont un budget de plus de 3 millions d'euros) et / ou,
pour ce qui concerne les activités de plaidoyer, parmi diverses
coordinations. Ces ONG pourront conduire à leurs homologues
européennes. Le choix des ONG travaillant dans les pays où l'IRD est
durablement implanté est plus délicat. Les représentants de l'IRD
peuvent avoir un rôle déterminant à ce sujet, avec le concours des ONG
françaises ou européennes choisies car celles-ci connaissent souvent
fort bien le milieu des ONG locales. Le partenariat, qui pourrait
prendre des formes très variées, ferait évidemment l'objet d'accords en
bonne et due forme qui respecteraient les exigences légitimes des
parties.
• Les motivations des chercheurs
Les
chercheurs seraient de plus en plus soucieux de leur évaluation
en termes strictement scientifiques et de ce fait de moins en moins
disposés à s'investir plus directement dans l'aide au
développement ;
Le
diagnostic en la matière à l'IRD demande à être plus rigoureusement
établi. Des exemples contrastés peuvent être cités, y compris chez les
jeunes chercheurs. Il y a, dans certaines disciplines, d'excellents
chercheurs très engagés dans la vulgarisation et l'utilisation de leurs
résultats. En outre, à partir d'un certain âge et comme dans tout
établissement scientifique, un certain nombre de chercheurs ne sont
plus à la pointe du progrès de leur discipline tout en restant très
qualifiés et se sentent disponibles pour des activités en aval de la
recherche stricto sensu, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'IRD mais
toujours en lien avec lui. Il y a là pour l'IRD l'occasion de
promouvoir une politique de mobilisation et de projection de ressources
humaines en seconde partie de carrière, ayant à la fois l'expérience de
la recherche, du développement et de la coopération (denrée rare hors
IRD et pourtant infiniment précieuse) et / ou le goût et la compétence
en matière de formation et de communication.(7)
Et,
naturellement, il y aurait lieu de rééquilibrer les critères
d'évaluation des personnels en fonction des diverses missions de
l'Institut. A cet égard, comme à d'autres, une présence plus importante
des acteurs du développement (dont les ONG) dans les instances
scientifiques consultatives de l'IRD serait certainement bénéfique.
•
Le langage et les délais des scientifiques ne s'accordent pas à ceux
des acteurs du développement. Ces contraintes régulièrement mises en
avant de part et d'autre dans les réflexions antérieures sur le sujet
tendent à s'estomper. Les grandes ONG ont de plus en plus souvent du
personnel de bon niveau académique et l'IRD a fait la preuve ces
dernières années d'une bonne aptitude à communiquer avec les médias et
même avec un public assez large. Un effort analogue de communication
avec les ONG ne devrait pas poser de problèmes insurmontables.
Quant
aux délais entre le moment où une question est posée à la recherche et
l'échéance de la réponse, ils ne sont longs que lorsqu'il s'agit d'une
question si neuve qu'elle nécessite un véritable programme
de recherche. Dans la plupart des cas il ne s'agit pas d'une telle
demande : ce qui est demandé c'est de replacer dans la
problématique en question les résultats et les connaissances d'une
compétence déjà largement accumulée (tel est l'objectif des expertises
collégiales). Pour les questions neuves et importantes l'IRD, en
association ou non avec les ONG concernées, et si elles sont capables
de vision à moyen et long terme, peut, le cas échéant, focaliser ses
compétences acquises sur un programme de recherche finalisé.
N.B. :
Tout ceci pose une question que, sans doute, l'IRD doit
clarifier : celle de la distinction en même temps que la
continuité entre recherche et expertise scientifique (cf. ce que
Roqueplo a appelé « l'inéluctable transgression » du
chercheur consulté comme expert dans un article intitulé « Entre
la science et la décision, le trou noir de l'expertise »)
• L'IRD n'est pas organisé pour travailler sur des thématiques globales ou transversales
Les grands enjeux et débats internationaux, les plaidoyers des
ONG relèvent de thématiques pour lesquelles la recherche scientifique
pour le développement peut apporter des contributions. Mais pour nombre
de celles rentrant dans ses compétences l'organisation scientifique de
l'IRD est trop éclatée, trop dispersée pour ce faire. Et les
Départements ne semblent pas s'investir, pour diverses raisons, dans ce
travail de transversalité ou de convergence puis de participation aux
débats publics. C'est là la principale contrainte d'une politique de
collaboration de l'IRD avec les ONG. L'IRD doit être crédible et
audible sur ce qui remue les acteurs du développement. Il en a, dans bien des cas, le potentiel.
Exemple
: Le Réseau IMPACT, pluridisciplinaire et pluri acteurs et auquel
participe l'IRD, est dédié au thème des Politiques Publiques de Lutte
contre Pauvreté et Inégalités. Il est financé par le MAE et a son
secrétariat au GRET. Il a d'ailleurs été créé à la suite d'une expertise scientifique collective
lancée par l'IRD en 1996, selon une formule bien différente de celle
des expertises collégiales désormais pratiquées à l'Institut (8). Ce
Réseau IMPACT a récemment recensé, après examen détaillé de leur
rapport, 14 UR de l'IRD ayant à dire sur ce thème des
politiques de lutte contre pauvreté et inégalités. Le nouveau chef du
Département Société et Santé a accepté de lancer et d'animer le travail
de convergence et de débats scientifiques de ces UR en collaboration
avec le Réseau IMPACT.
Nul
doute que d'autres initiatives analogues pourraient, devraient être
promues à l'IRD. L'exemple qui vient d'être cité peut aider à en
préciser les conditions.
• Les motivations des ONG
Comme
le montrent clairement les interviews réalisées par le Groupe de
travail du CDA et les auditions au HCCI, ces motivations restent le
plus souvent générales, latentes et indécises. Par ignorance d'abord de
ce que fait et de ce que pourrait apporter l'IRD. Mais Coordination -
Sud, qui rassemble l'ensemble des ONG françaises ayant pignon sur rue ,
commence à mettre à son agenda la question de la collaboration avec la
recherche. Et, comme le montrent aussi les interviews réalisées, une
politique de communication permanente et active avec l'IRD et une offre
précise de collaboration de l'IRD y engageant des moyens pourraient
changer la donne. Au demeurant, comme il a été dit plus haut, les
financements publics des ONG, selon les promesses du gouvernement,
pourraient s'accroître notablement dans les années à venir. Et, comme
le recommande l'Avis du HCCI, l'inscription d'un volet recherche et
évaluation dans les appels d'offre nationaux et internationaux
concernant les grands projets et les politiques sectorielles pourrait
devenir une pratique plus courante.
D'une
façon générale les ONG sont conscientes qu'il faut renforcer leur
efficacité pour répondre aux exigences des bailleurs de fond et des
sociétés civiles et, à tout le moins, compléter les connaissances et
compétences de leurs cadres.
En
matière de plaidoyers, malgré le renforcement de leurs capacités en ce
domaine, les ONG françaises sont encore mal armées pour apporter une
valeur ajoutée spécifique par rapport aux grandes ONG
internationalisées sur certains thèmes ciblés sur le développement
durable. Les ressources de l'Internet et le concours épisodique de
quelques scientifiques ne leur permettent pas toujours de fonder un
argumentaire original, approfondi et élargi. Il leur est d'ailleurs
parfois reproché de manquer de rigueur, de compétences, voire de
crédibilité. Elles risquent enfin d'être dépendantes de travaux conçus
et réalisés selon certains intérêts et dans une certaine optique
politique par ou pour quelques ONG étrangères et internationales. La
valeur ajoutée des ONG françaises dans le concert international des ONG
pourrait venir de l'articulation des plaidoyers globaux avec les
résultats diversifiés des terrains d'application, de la
pluridisciplinarité, de la permanence de la relation avec les
scientifiques de nombreux PED, ce que peut apporter le système français
de recherche pour le développement.
Concernant
les interventions directes, compte-tenu des nouvelles politiques des
grandes agences de coopération en faveur de la responsabilisation des
Etats et des acteurs sociaux des PED, les ONG du Nord ne seront
sollicitées à terme que si elles sont innovantes et que si ces
innovations sont démultipliées et capitalisées avec des partenaires
locaux. Sans cette réorientation stratégique - et même si la méfiance
des bailleurs de fond vis-àvis des ONG locales ne s'atténuera que
lentement - les ONG locales sont appelées à devenir progressivement les
partenaires principaux de ces bailleurs de fonds.
De
plus, pour appuyer efficacement cette promotion des ONG et des acteurs
sociaux des PED (et pour favoriser l'adaptation des financements
internationaux à cet effet), les ONG du Nord ont évidemment besoin de
mieux connaître le contexte social, économique, culturel, politique
dans lequel évoluent ces acteurs sociaux locaux et la logique même de
leurs fonctionnements. A les méconnaître, elles courent un risque non
négligeable de perte d'impact et de précarité de leurs actions. Des
institutions de recherche comme l'IRD peuvent les aider à y voir plus
clair.
N.B. :
La méfiance de certaines ONG vis-à-vis de l'IRD considéré comme un bras
séculier de l'Etat français ne devrait pas être trop difficile à
surmonter. Sur le terrain l'IRD est libre dès lors qu'il ne travaille
pas avec des ONG en opposition déclarée avec les autorités locales. En
matière de plaidoyer, le problème est plus délicat mais il y a nombre
de grandes ONG, ou de leurs coordinations, à même de distinguer ce qui
relève de l'acquis scientifique et ce qui relève d'arguments militants
ou idéologiques.
IV - Eléments d'une politique d'échanges et de coopération avec les ONG
Pour
l'essentiel ils ressortent de ce qui précède. Avant de les récapituler
et de les compléter, il faut insister sur une condition
essentielle : une volonté forte et partagée de la Direction de
l'Institut.
Pour
exprimer cette volonté, pour assurer la mise en oeuvre de cette
politique, il sera nécessaire de nommer un chargé de mission en charge
de cette politique, des liens, échanges et promotions de collaborations
avec le milieu des ONG. La place au sein de la Direction
générale de ce Chargé de mission, le type d'unité (bureau ?
délégation ?) qui pourrait être nécessaire à l'exercice de sa
mission sont à examiner car il n'y a pas de réponses évidentes à ce
sujet.
On
peut maintenant reprendre les éléments essentiels d'une telle politique
sans ordre de priorité car tous se complètent réciproquement.
1. Choix très sélectif des premières ONG
(ou collectifs d'ONG) avec qui des collaborations pourront s'organiser
(et se contractualiser le plus rapidement possible) . Choix parmi
les plus grandes ONG françaises -et si possible leurs alliées
européennes - pour des travaux liés aux plaidoyers, pour des
innovations dans leurs interventions sur le terrain et même pour leur
apporter des éléments d'analyse du contexte dans lequel elles
choisissent et soutiennent des partenaires locaux. Choix d'ONG fiables
sur le terrain avec le concours des représentants de l'IRD et des ONG
du Nord partenaires (qui, dans certains pays, ont un ou plusieurs
représentants permanents qui connaissent très bien leurs homologues
locales). Ces choix sélectifs et stratégiques relèvent de la Direction
Générale et doivent être amorcés par des rencontres au plus haut niveau
avec les partenaires potentiels.
2. Une stratégie de communication , de contacts et d'échanges avec les ONG(9)
•
Mise au point et à jour de la base Contacts à cet effet, envois ciblés
de Sciences au Sud et des Fiches d'actualité scientifique (en adaptant
éventuellement celles susceptibles d'être utilisables par les ONG),
indexation thématique et géographique des FAS sur Internet.
•
Renforcement de l'accès du site Internet de l'IRD par les moteurs de
recherche internationaux. La mise en oeuvre rapide de l'ambitieux
projet INFOTHEQUE serait une avancée décisive.
• Participations croisées aux instances consultatives réciproques
• Ateliers de présentation de résultats de recherche, de débats, de formation, etc.
3.
Mise en synergie d'UR pour apporter une contribution aux grands thèmes
de débats, plaidoyers, négociations au niveau international ,
en valorisant les acquis du terrain, les points de vue
multidisciplinaires et les contributions des partenaires du Sud. Ce
pourrait être une nouvelle forme d'expertise scientifique collective de
l'IRD, initiable par l'IRD, impliquant les ONG ou réseaux d'ONG
concernées et destinée à éclairer des enjeux politiques en même temps
qu'à proposer des principes méthodologiques. Bien entendu cette
expertise scientifique collective devrait se faire en collaboration
avec les équipes des EPST et Universités concernées.
4. Une relance et un élargissement des activités du département Expertise et Valorisation
Il
ne s'agit pas seulement des expertises collégiales et des brevets mais
aussi d'une véritable recherche - développement sur le terrain, telle
qu'elle a été évoquée ci-dessus.
Le
Département DEV en collaboration avec les Départements scientifiques
devrait définir une doctrine en la matière (objectifs, conditions,
limites, évaluation, capitalisation d'une part, formes juridiques et
moyens d'autre part). Il devrait disposer de crédits incitatifs à cet
effet.
5. Une politique de Ressources Humaines
mobilisant au profit de cette politique des agents expérimentés de
l'IRD disponibles. A quoi devra s'ajouter le renforcement du soutien
des Représentants pour mettre en oeuvre cette politique sur le terrain,.
6. Diversification des critères d' évaluation des UR/US et des personnels de l'Institut.
On
ne répètera jamais assez que la mobilisation des personnels sur cette
politique passe par une prise en compte systématisée de leurs activités
correspondantes dans leurs évaluations (conformément d'ailleurs à l'une
des missions statutaires de l'IRD). Une fois le principe adopté,
sa mise en oeuvre serait facilitée par la présence su sein des
Commissions et Conseils de l'IRD de représentants d'ONG.
7. Dans la logique d'une prise en charge par l'IRD d'activités d'Agence ,
(telle que pratiquée par DSF et la DIC) et avec le soutien du MAE, du
MR, de l'AFD, de l'UE, diversification des modes de collaboration avec
les ONG : accueils, mises à disposition réciproques, promotions
d'appel d'offres en commun, encadrements de thèse, aide à la
capitalisation de l'expérience des ONG, etc.
Cette
politique de coopération de l'IRD avec les ONG de développement doit
évidemment se traduire dans sa politique de soutien et de formation des
partenaires scientifiques du Sud. Elle concerne donc, en fin de compte,
l'ensemble des Départements, Délégations, Directions, Représentations
de l'IRD. Elle pourrait de ce fait constituer un axe fédérateur des
efforts de tous, axe fédérateur qui manque encore à la restructuration
de l'IRD opérée en 1997.
CDA
G.T. :
IRD / ONG
Annexe 1
Liste des personnes rencontrées
I - ONG
- L. BOURBE : responsable recherche à ACF
- P.
BURGER : Centre d'actions et de réalisations internationales (CRI)
et Groupe technique désertification ( GTD), coordination des ONG
travaillant dans les zones arides ( SOS-Sahel, eau vive, PS-eau,
notamment)
- P. CASTELLA : CRID, AITEC, ex. président de SOLAGRAL
- E. FAGNOU : directeur exécutif de Coordination Sud
- J.M. FARDEAU : secrétaire général du CCFD
- Y. JADOT : directeur des campagnes de GREENPEACE - France
- Ph. LAVIGNE - DELVILLE : directeur scientifique du GRET
- Ph. LHOSTE : VSF
- N. OURABAH et cadres de la FIPA, Fédération internationale des producteurs agricoles
- M. ROY : directeur des plaidoyers qu Secours Catholique - Caritas France
- J.L. VIELAJUS : délégué général du CFSI
En outre ont été interviewés dans le cadre du groupe de travail ONG - Recherche du HCCI :
- Ch. MONVOIS : responsable pour le GRET du projet NUTRIDEV
- G. RAGUIN : directeur des relations internationales à Médecins du Monde
- A. RAYMOND : AFVP
II - IRD
Outre un entretien avec le Président et un entretien avec le Directeur Général, ont été interviewés :
- J. BOULEGUE, P. CAYRE, J. CHARMES : Chefs de Départements
- M.N.
FAVIER, directrice de la DIC, M.L. SABRIE (plus des recueils
d'information auprès de M. GUILLAUME, I. MOUAS, C. DOUCOURE, A.S.
ARCHAMBAUD)
- A. CORNET : représentant IRD en Tunisie, ancien chef du Département Milieux et Activités Agricoles
- J. FAGES : ancien représentant IRD en Nouvelle Calédonie, Congo, Burkina Faso, Polynésie
CDA
IRD
/ ONG
Annexe 2
Les 20 plus grandes OSI françaises
Classement par taille budgétaire (2003)
Colonne (a) : part des ressources publiques dans l'ensemble des ressources (en %)